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Justice and the Righteous

by Claire Ly

The witness to the Cambodian tragedy and theologian Claire Ly, who is honored in Milan with a tree in the local Garden of the Righteous, explained what is justice and what it takes to be a Righteous in the Buddhist culture on 3 March at the Italian Chamber of Deputies within the celebrations of the second annual European Day of the Righteous. A woman helped her father in the labour camp because he had respected her minor age at a party with prostitutes in the past. This partly is inscribed in religious tradition, partly depends on the sudden moral choice of somebody involved in extreme evil.   


Le juste dans la pensée khmère au Cambodge
Rome- 3 mars 2014


C’est un honneur pour moi de vous parler de la notion du « juste » dans la pensée khmère. 

Le Cambodge, mon pays d’origine est marqué par le massacre de masse infligé par les Khmers rouges. La tragédie khmère rouge a un coût humain élevé : entre 1975 et 1979 le Cambodge a compté près de deux millions de morts pour une population de 7 millions, soit un quart de sa population. Parmi ces gens exécutés sommairement, sans procès, sans formalité, se trouvaient mon père, mon mari, mes deux frères. Le Tribunal Pénal international, connu sous le nom de Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens, fonctionne actuellement à Phnom-Penh pour juger les anciens responsables khmers rouges pour crime contre l’humanité.

Le Cambodge est aussi un pays où 90 % de la population se disent bouddhistes. Le bouddhisme y est la religion d’état. Il a marqué profondément la culture khmère. Les bouddhistes khmers qualifient leur religion comme la voie du milieu. Cette qualification tire son explication de la quatrième noble vérité. Les quatre nobles vérités, c’est le discours fondateur du bouddhisme. Dans la quatrième noble vérité, Bouddha indique la voie à prendre pour se libérer de l’insatisfaction existentielle qui habite chaque être humain. Cette voie de libération est connue sous le nom de « noble chemin octuple ». Elle comprend huit chemins que chaque bouddhiste doit s’efforcer de pratiquer :

1- La parole juste – 
2- L’action juste –
3- Le moyen d’existence juste
4- L’effort juste – 
5- L’attention juste – 
6- La concentration juste
7- La compréhension juste – 
8 - La pensée juste

Le sage bouddhiste est bien sûr celui qui arrive jusqu’à la pensée juste, le huitième chemin. Et cela demande des années et des vies de patience et de pratique ! Par contre, chaque être humain peut commencer par les trois premiers chemins : la parole juste, l’action juste, le moyen d’existence juste… Ce ne sont pas des programmes grandioses qui visent à un changement radical, mais plutôt des petits gestes à la portée de chacun dans son quotidien. Une parole juste, une action juste, peuvent passer complètement inaperçues, mais ils peuvent sauver la vie de quelqu’un.

Permettez-moi de citer ici un fait de vie pour illustrer l’action juste :
De 1975 à 1977, dans la vie très dure du camp de travail des Khmers rouges, j’ai pu bénéficier de la bienveillance de l’épouse du président de la « collectivisation forcée ». Elle s’appelait Mâm. C’est grâce à elle que j’ai pu cacher mon identité d’intellectuelle. Car les Khmers rouges cherchaient à éliminer les intellectuels qualifiés de peuple impur. L’action juste de Mme Mâm consistait à m’installer dans une case à côté de sa résidence. Les gardes rouges me laissaient ainsi tranquille car ils pensaient que j’étais surveillée par la présidence elle-même. Cette dame m’avait prise sous sa protection en mémoire d’un geste de mon père. Elle avait connu mon père à l’âge de seize ans. Mon père était industriel du bois. Il avait l’habitude d’organiser des réceptions avec des filles de joie. Lors d’une de ces réceptions, Mâm, jeune vierge de 16 ans, était octroyée à mon père. Mais ce dernier ne l’avait pas touchée, vu son jeune âge. Il lui demandait simplement de lui chanter des airs populaires et il lui avait donné un pourboire important. Ce geste « juste » de mon père avait marquée la jeune fille. Et plus tard, la femme lui rendait hommage en posant un autre geste juste en me prenant sous sa protection. (Revenue de l’enfer, page 80 – Tornata dall’Inferno, page 76)

J’ai pu constater que certains êtres humains ont posé des « actes justes » sans se poser des questions. Un juste est comme « la rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit ; sans souci d’elle-même, ni désir d’être vue », a écrit Maître Eckhart, philosophe et mystique rhénan

À cette image de la rose, les sages asiatiques propose celle du lotus. Le lotus est le symbole intemporel de pureté et d’élévation spirituelle dans tout le continent asiatique. Le caractère sacré du lotus est lié à la beauté de sa fleur, à la durée de vie de ses graines, à l’aspect immaculé de ses feuilles. 

La plante prend racine dans des marécages nauséabonds, mais sa fleur pointe hors de l’eau avec une beauté délicate et un parfum discret. La fleur de lotus symbolise dans le bouddhisme la transmutation qui dit que de la laideur, de la noirceur, une délicate pureté est possible. Du magma du mal, le « juste » peut percer comme la fleur de lotus s’élève hors de l’eau.

Le fruit de lotus est constitué par le réceptacle floral en forme d’une pomme d'arrosoir comptant de 15 à 20 alvéoles ; chaque alvéole renferme une graine de la taille d'une petite noisette. Cette graine est recouverte d’un péricarpe très dur et très étanche lui donnant ainsi le record de longévité. En Chine, une équipe de chercheurs a réussi à faire germer une graine datant d'environ 1 300 ans provenant du lit asséché d'un ancien lac à Pulantien. Le juste est à l’image de la graine de lotus, on peut longtemps l’ignorer sans que l’effet de son acte soit altéré.

La dernière qualité symbolique du lotus est liée à la propriété hydrophobe de ses feuilles. Les gouttes d’eau n’adhèrent pas aux feuilles et roulent en emportant les poussières présentes sur la surface. Les feuilles de lotus s’auto lavent. Les scientifiques parlent alors de « l’effet lotus ». Et le caractère sacré du lotus est lié aussi à cet aspect immaculé de ses feuilles. Un sage est celui qui reste intègre au milieu des méchants. 

Un verset du texte sacré bouddhique illustre cet être juste qu’est le disciple du Bouddha :

Ainsi qu’un lotus au doux parfum, ravissant,
Surgit parfois des déchets laissés sur la route,
Le disciple du Bouddha émerge de la poussière du monde,
Rayonnant de sagesse au milieu de l’aveugle multitude.

Dans la spiritualité bouddhique, le disciple s’entraîne à exercer la voie du milieu, les huit chemins justes par la méditation dans la forêt. La forêt joue le rôle de purificateur dans la spiritualité bouddhique comme le désert dans la spiritualité chrétienne. C’est dans la forêt que l’homme prend conscience de sa dépendance vis-à-vis de la nature. Il y apprendra à s’ajuster aux conditions extérieures, à s’ajuster à lui-même, à s’ajuster à ses semblables. C’est sous un arbre, le figuier-banian que le Bouddha a trouvé la vérité qui libère tout être de la souffrance. Le figuier-banian avec ses racines aériennes symbolise alors la connaissance juste qui délivre du mal.

La métaphore du lotus pour parler du disciple du Bouddha reste très populaire au Cambodge. C’est une des grandes symboliques de la pensée bouddhique. Dans cette métaphore, le sage, figure du juste, est vu comme la beauté de la fleur du lotus, la beauté qui est élan de vie.

Dans la culture khmère, le figuier-banian est l’arbre de l’éveil, de la connaissance juste qui libère l’être humain de la souffrance.

La beauté d’une fleur et l’ombre bienfaisante d’un arbre représentent donc des symboliques importantes dans la traversée du mal. 

16 April 2014

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